Il y a autant de façons de « manquer de culture » en ce bas-monde que de codes génétiques ou d’histoires personnelles. Mais qu’on ait l’estomac serré quand la conversation s’oriente vers certains domaines, qu’on redoute les discussions à bâtons rompus au travail, qu’on ait le sentiment d’être un imposteur en prépa ou un intrus dans un nouveau cercle d’amis, je pense que le chemin pour améliorer sa culture générale est le même.
On peut avoir fait des études, parfois longues et brillantes, mais se réveiller un beau matin en constatant qu’avec le temps, on a négligé d’enrichir son bagage culturel… Et constater qu’on ne peut plus voir son manque de culture en peinture 😭. Dans ce cas, comment reprendre sa culture en main et l’augmenter ? Après m’être documentée j’ai identifié 5 règles fondamentales pour se (re)construire une culture et en finir avec ces moments d’inconfort.
- Définir le périmètre des disciplines à conquérir
- Modifier sa façon de voir la culture
- Changer ses habitudes
- Communiquer autrement
- (Re)sacraliser la lecture.
Voilà, c’est très clair non ? 😁 Plus qu’à couper Internet pour s’y mettre. Ou à lire la suite pour plus de détails…
Délimiter son champ d’action
Il faut garder à l’esprit que la notion de culture générale est très subjective. Le minimum requis pour un milieu social donné sera vu comme une montagne impossible à gravir dans un autre. Si votre projet n’est pas de préparer les concours d’admission aux grandes écoles, des IEP ou de certaines écoles de journalisme, où les programmes sont conçus pour formater former des politiciens, haut-fonctionnaires, financiers, diplomates et autres rouages fonctionnels de nos systèmes institutionnels publics ou privés, réjouissez-vous, soyez content·e, vous allez pouvoir choisir précisément dans quels domaines vous deviendrez incollable.
La culture ne s’hérite pas. Elle se conquiert.
André Malraux, discours de Niamey, à la première conférence des pays francophones, le 17 mars 1969
J’ai noté qu’en France, être cultivé au sens noble, c’est encore avant tout savoir se repérer dans les humanités, c’est-à-dire dans des disciplines académiques assez peu professionnalisantes, telles que la littérature, la philosophie, l’histoire et accessoirement un minimum d’anglais.
Les Italiens ont à coeur de connaître les arts et l’architecture, ce qui est tout aussi académique et admirable. Beaucoup beaucoup d’Italiens font la différence entre Raphaël et Fra Bartolomeo, alors qu’un honnête homme Etats-Unien connaîtra ses 46 présidents de la république et sa bataille de Gettysburg.
Voyez comme tout ça est relatif, et comprenez que vous avez le choix entre vous approprier les références culturelles d’un milieu donné pour vous intégrer, ou sortir des programmes convenus et inventer votre culture en mixant vos centres d’intérêt avec des horizons complètement nouveaux pour vous. Vous pouvez choisir d’être passionné et, finalement, devenir la vraie version de vous-même, à la fois plus confiant·e en vos ressources, ouvert sur le vaste monde et profondément connecté·e aux sujets qui vous animent le cœur et l’esprit.
Cela étant posé, l’Histoire est une discipline incontournable à mon sens. Si vous ne deviez explorer qu’un domaine, ce serait celui-là. Parce que l’Histoire avec une majuscule couvre l’Histoire générale, politique, socio-économico-culturelle et l’histoire des relations internationales. Pour le reste, à vous de voir les 3 ou 4 disciplines qui vous tiendront en haleine et augmenteront votre existence (promis).
Définir un périmètre nous évite l’éparpillement et le découragement. Il est possible cependant de se lancer dans ce qu’on appelle l’encyclopédisme, qui consiste à creuser absolument tout ce qu’on lit, voit, entend de nouveau, comme ce bon vieux Pantagruel, personnage de Rabelais bien décidé à devenir un abîme de science. C’est chaud comme on dit, à mettre en place, mais je serai la dernière à vous jeter la pierre : il s’agit d’un idéal hérité de la Renaissance et sublimé par l’époque des Lumières. Une fois votre choix de disciplines fait (ou non…), dressez une liste des ressources à lire, voir, écouter, assortie d’objectifs de quantité et de timing. De mon côté je me suis lancé le Défi de lire 2 essais costauds par mois sur 2 ans.
Changer d’état d’esprit pour adopter une mentalité ouverte
Premier changement : ne vous sentez plus jamais coupable, honteux ou stupide. Ne pas savoir quelque chose n’est pas un délit, et ceux qui racontent le contraire sèment les graines d’une insécurité intellectuelle aussi futile qu’auto-destructrice. Tenez-le pour dit, ne prenez plus jamais personnellement les Tu savais pas ça ? les C’est connu et autres Renseigne-toi, agrémentés de Bien évidemment bien méprisants. En revanche travaillez sur votre confiance en vous. Soyez fier·e par exemple d’être non pas l’individu pédant qui se satisfait d’humilier ou de mettre autrui mal à l’aise, et d’être plutôt la personne désireuse d’ouvrir ses horizons. Une fois pour toutes, sachez bien qu’en le faisant pour de bonnes raisons, vous parviendrez bel et bien à cette aisance culturelle qui vous rendra la vie plus facile et plus intéressante.
Deuxième changement : de ce projet un peu dingo de vous cultiver, faites une priorité. La motivation compte, les nouvelles routines aussi (on y viendra dans quelques lignes), et tout ce qui permet de faire prendre la greffe entre la culture et votre quotidien. Mais ce qui importe avant tout, c’est d’accorder une importance capitale à ce qui est vrai, factuel, important. J’aime beaucoup cette citation de la philosophe humaniste et badass Simone Weil :
Après des mois de ténèbres intérieures, j’ai eu soudain et pour toujours la certitude que n’importe quel être humain, même si ses facultés naturelles sont presque nulles, pénètre dans ce royaume de la vérité réservée au génie, si seulement il désire la vérité et fait perpétuellement un effort d’attention pour l’atteindre.
Simone Weil, lettre au père Perrin, mai 1942
Est-ce que ça ne vaudrait pas le coup d’essayer ? Remettre en cause nos opinions, les acquis conceptuels que nous ressassons avec fierté, nos théories bien tassées, notre vision du monde de plus en plus déformée, fragmentée par le règne absolu des images, des médias et des réseaux sociaux, pour avoir le courage de passer plus de temps sur des faits importants, un peu comme le paléonthologue Ross Geller, vous vous souvenez, dans la série Friends, qui faisait hurler ses amis d’ennui par son « sérieux» ?
Troisième changement : ne vous lancez pas dans cette aventure uniquement pour briller. J’écris cela pour vous faire gagner du temps. En étant désintéressé, en cherchant à vous cultiver pour vous et non pour épater les autres, vous découvrirez plus rapidement le plaisir pur d’apprendre, la libido sciendi . En même temps, soyez patient, parce que cela peut ne pas venir tout de suite. Et cela n’arrivera pas sans changer vos habitudes. Transition avec le conseil suivant : ✅check !
Transformer ses routines et développer des habitudes culturelles
Vous avez dû lire ce conseil plus d’une fois : faites de la place dans votre cerveau pour les nouvelles connaissances. Tout ce qui est divertissement éphémère, sensationnalisme, clashes et débats absurdes, chats qui gifflent des crocodiles en delta-plane etc, doit sortir de votre vie.
Ce n’est pas une raison d’abandonner les séries, les films ni les chaînes Youtube, TikTok et consorts. Mais il serait malin de vous orienter vers des contenus éducatifs. En plus des MOOCs qui sont une bénédiction des temps modernes, empiffrez-vous de documentaires, n’allumez la TV et la radio que pour Arte et France Culture, informez-vous via la presse écrite, écoutez des podcasts sur vos centres d’intérêt, abonnez-vous à des comptes enrichissants sur les réseaux sociaux :
En fouillant le web, on trouvera des ressources incroyables, ne serait-ce que pour apprendre facilement et utiliser les réseaux sociaux de manière intelligente et profitable. Beaucoup conseillent les quiz et les applications à télécharger, notamment pour se tester. Je vous en dirai plus lorsque j’aurai eu le temps de voir ça de plus près. Je pense aujourd’hui que le mieux sera toujours d’oublier son smartphone et, pourquoi pas, de sortir de chez soi pour des sorties culturelles De mon côté, j’ai décidé de visiter un musée d’art moderne ou classique chaque semaine, à retourner au cinéma et à explorer les villes qui m’entourent… comme lorsque j’étais étudiante.
J’ai vu passer d’autres conseils futés, je vous les donne en vrac : privilégier les films historiques et les biopics (attention, ce sont de potentielles drogues dures), s’abonner à des magazines papier pour se nourrir culturellement de manière déconnectée. Je me suis abonnée personnellement à l’Éléphant. Je vous dirai ce que j’en pense. Et un conseil que j’applique depuis au moins 30 ans : noter vos pensées, les citations qui vous frappent, les questions incongrues qui vous viennent.
Communiquer autrement : les autres sont une ressource
En faisant mes recherches, je suis tombée sur un conseil récurrent de coach : échanger avec des personnes intéressantes, plus cultivées que soi.
OK Yann, mais si on est timide, asocial, atypique et ainsi de suite ? C’est une vraie question pour moi, et je vous livre ma réponse très personnelle : même et surtout si l’on manque de confiance en soi, on n’a pas le choix, faut y aller basta ! Pourquoi ? Parce que :
- c’est durant les conversations que la mémoire cristallise le mieux les faits nouveaux,
- je vous ai parlé plus haut de l’importance de changer son état d’esprit, de s’ouvrir au monde, ce qui commence par une ouverture aux autres, une sortie hors de sa zone de confort,
- on surmonte sa timidité avec des objectifs qui dépassent sa petite personne. Donc si votre objectif est d’apprendre de nouvelles choses tous les jours, vous cesserez de faire une montagne de l’opinion des autres.
D’ailleurs, en parlant de conversation, essayez de garder votre objectif en tête. Que vous soyez face à un professeur de biologie moléculaire absolument passionnant ou assis à côté d’une personne peu expansive ou peu sûre de ses connaissances, vous aurez TOUJOURS quelque chose à apprendre, et ce sera TOUJOURS plus intéressant pour vous que de déballer votre savoir. Du coup, intéressez-vous, posez des questions, mémorisez les réponses et creusez le sujet une fois chez vous. Par exemple, n’est-ce pas passionnant de découvrir les expériences qui ont le plus marqué une personne, quel que soit son niveau d’études, les valeurs qui la guident au quotidien, son passe-temps préféré, ses astuces pour la vie de tous les jours… et, bien entendu, les domaines qu’elle maîtrise et qui vous sont parfaitement inconnus (pour moi, cela irait des jeux-vidéo aux émissions TV de ces 20 dernières années, en passant par les mathématiques, l’ingéniérie, la danse et le théâtre contemporains, et pas que ). Sans vous transformer pour autant en vampire intellectuel ou en sociologue cynique du dimanche, enrichissez-vous (comme disait Guizot… pardon).
Est-ce que cela veut dire qu’on ne doit jamais partager nos propres richesses ? Non et non ! Bien au contraire, on ne retient vraiment que ce qu’on a transmis. C’est tout l’intérêt d’échanger avec des personnes intéressantes (car en général elles s’intéressent à vous) et des blogs et des réseaux sociaux. Chroniquer des livres, des films ou livrer le fruit de ses réflexions permet d’échanger avec toute une communauté de passionnés. C’est en tout cas la voie que je choisis de faire avec ce blog et mon site sur la culture malgache !
Placer la lecture au cœur de sa culture : mes conseils pour sacraliser ce pilier
Je suis peut-être vintage hardcore, mais, vous l’aurez compris, pour moi, la lecture de livres en entier est LA clé pour avoir une bonne culture générale. Bien plus que la consommation des contenus qu’on peut trouver en ligne, la lecture d’un livre permet d’explorer un sujet en profondeur et de manière nuancée. Les neurones font pia-pia, entre la réflexion stimulée et l’imagination sollicitée à plein régime, sans parler de l’effort de concentration qui, littéralement, nous élève et nous augmente à coup sûr.
Je n’insisterai pas sur le fait que les livres ont été généralement écrits par des experts, ou par des génies de la fiction immersive. C’est simple, beaucoup de séries magistrales ont été tirées de livres. Ils vous semblent supérieurs ? C’est parce que l’auteur a pris le temps de construire un univers capable de nous transproter par la seule force des mots. Game of Thrones, 13 Reason Why, Unorthodox, Orange is the new black, La Servante écarlate, toutes ces odyssées fabuleuses sont inspirées de romans pas forcément géniaux ni bien écrits, mais construits comme des cathédrales, à partir de structures narratives profondes et complexes, riches en symboles et en couches de signification. Les séries purement TV peuvent être comparées à des parcs à thème ou des quartiers urbains, extensibles à l’infini, pour le meilleur et le pire.
D’un point de vue pratico-pratique on recommande généralement 20 à 30 minutes de lecture par jour, du moins le temps que la routine s’installe. À terme, si tout va bien, le plaisir de lire nous fera rater notre station de métro ou cramer notre casserole de pâtes. Personnellement j’essaie de m’imposer un rituel. Comme je télétravaille le plus clair du temps, je n’ai plus la « chance » de prendre quotidiennement les transports en commun. Du coup, une fois terminé mon labeur salarié et ensuite mes projets perso (comme le fait de tenir ce blog), j’essaie de couper tout, d’éteindre les écrans pour m’installer dans mon fauteuil cabriolet avec un chocolat chaud en hiver et une citronnade au miel maintenant qu’il fait chaud.
Pour être honnête ? Je n’y arrive pas encore. L’appel de Netflix est encore trop fort, mais au moins j’ai cerné le problème. Certains grands lecteurs s’interdisent de se fixer des horaires de lecture, ils lisent tout simplement dès qu’ils le peuvent : à tester ! Je pense cependant qu’il est important pour moi de réussir mon sevrage des séries en streaming. Mon addiction remonte à 2012, accompagnée d’une frustration grandissante face au temps perdu.
J’ajoute un dernier mot sur la lecture. Au cas où on aurait détesté lire depuis toujours mais qu’on veut s’y mettre, on peut essayer de s’imposer de lire le journal, au moins un grand quotidien de référence, de façon quotidienne (c’est LE conseil ou plutôt l’ordre donné en première année de prépa et, comme pour l’étude de l’Histoire, cela me semble effectivement un minimum). C’est le meilleur moyen de s’approprier les grands sujets d’actualité tant politique, économique que culturelle.
Finalement, devenir plus cultivé relève du développement personnel !
En rédigeant cet article, c’est carrément ce que je me suis dit. Pratiquer la bienveillance envers ses propres lacunes, mais aussi envers les lacunes des autres, changer ses habitudes et s’ouvrir à la multitude de moyens à notre disposition, le tout après avoir défini un périmètre, il semble que le voyage vers une meilleure culture générale nourrisse bien plus que nos connaissances, il implique et permet une certaine croissance émotionnelle et spirituelle.
Et que notre objectif soit de pouvoir discuter avec un tas de personnes d’horizon différentes, d’enrichir notre vocabulaire, d’apprendre une ou plusieurs langues étrangères, de comprendre les arts plastiques et les bandes dessinées, le plus important est de mettre de côté les aspects négatifs qui nous ont conduit·e ici, à ce désir honorable et, il faut le dire, plutôt excitant. Finalement, même un seul changement pourrait faire la différence : ne plus passer mes dimanches à scroller passivement sur mon smartphone pour aller fréquenter les musées et les bibliothèques municipales, faire la vaisselle en écoutant des playlists éducatifs, lire un livre trente minutes par jour, lâcher la télé pour m’informer via la presse écrite ou, simplement, apprendre à écouter les autres pour apprendre à leur contact, une seule de ces nouvelles habitudes pourrait suffire à nous rendre plus curieux·se, plus éveillé·e·s, plus vivante·es…
Laquelle/lesquelles de ces habitudes avez-vous adoptée(s) ? Avez-vous des astuces pour y prendre goût et ne pas abandonner en cours de route ? Je suis très curieuse d’avoir vos retours d’expérience en commentaire ! Et si cet article vous a plu, n’hésitez pas à le faire lire à ceux qu’il pourrait aider 😉
Merci beaucoup pour ton article très complet et plein d’excellents conseils. Je suis moi-même confrontée à ce manque de culture générale et j’aimerais tellement en savoir plus. À mon grand regret, je suis tombée sur des professeurs d’histoire soporifiques et, à l’époque, je n’avais pas la maturité pour essayer quand même de suivre et de comprendre. Du coup, aujourd’hui, je ressens vraiment ce manque et je souhaite vraiment m’enrichir culturellement pour mon moi profond. Merci encore 🙂
Ton retour me touche profondément Nathalie, mille mercis ! C’est gratifiant d’apprendre que mes efforts pour combler mes lacunes peuvent aider les autres. Et, oui, les professeurs n’ont pas toujours su faire preuve de pédagogie et certains n’aimaient peut-être pas la matière qu’ils enseignaient. Ton commentaire me motive du coup à tâcher de transmettre le plus important : le plaisir d’apprendre !