Mon défi : dévorer 2 essais par mois sur 2 ans

Une femme bouquine assise sur une pile de livres

J’ai décidé de lire 52 livres en 2 ans pour me refaire un bagage culturel. J’aurais pu opter pour un rythme plus soutenu, par exemple d’un livre par semaine, mais il y a un mais : ma sélection ne concerne que des essais exigeants et copieux, de la grosse « non-fiction » semi-universitaire des familles. Et parce que je mène aussi de front un travail passionnant, la rédaction d’un roman et une ou deux autres passions, je ne pourrai pas enchaîner les chapitres sur le diagramme de Hertzsprung-Russell et les technologies haptiques comme on boit la série Mad men au goulot.

Il est vrai que je me suis fabriqué un beau vaisseau de lacunes honteuses en littérature contemporaine, ces 10 dernières années. Mais je suis moins affamée de fictions aujourd’hui que de réflexion. Comprendre le monde, explorer des disciplines que j’ai laissées en friche ou que j’ai tout simplement fuies toute mon existence, grandir intellectuellement, voilà ce qui m’anime aujourd’hui.

J’ai d’abord pensé taper dans les listes de livres proposées par les grandes écoles, et je pense qu’il y aura beaucoup de ça dans ma sélection. Mais pas que. J’ai choisi mes 52 titres au feeling, dans les disciplines suivantes : Arts, Droit, Économie, Géographie et Géopolitique, Histoire, Philosophie, Politique, Sciences, Sociologie, Musique.

Mais pourquoi je fais ça ?

Lectrice sous une pluie de livres

Au siècle dernier, pour apprendre à écrire des romans, j’ai fait Hypokhâgne et ce fut un kif. J’ai pris un plaisir infini à mettre la culture au centre de mon quotidien, à cravacher pour lire plus et penser mieux. Comme suite logique, je suis passée en Khâgne, mais là, je n’ai pas fait long feu. La charge de travail était multipliée par 100, et les enjeux écrasants : réussir un concours que personne dans mon entourage n’avait jamais passé. J’avais le sentiment d’être une bête de course, condamnée à compter les pieds des sonnets de Rimbaud, alors que ses poèmes chantaient la liberté, l’errance créatrice, le plaisir. Et surtout je me faisais une montagne d’un concours que je ne voulais pas spécialement réussir.

Bref, grand malentendu sur les objectifs et mindset en court-bouillon, pour un concours que je prenais bien trop au sérieux. Si je pouvais m’adresser à la Eva de 1993, je lui dirais bien entendu que c’est le chemin qui compte et non l’arrivée. Mais ce chemin, il était impossible de le suivre avec sérénité à 19 ans, ne serait-ce que parce que le système de notation nous rabaissait avec délectation, les profs nous humiliaient par dévouement. Une torture pour l’ego sur pattes que j’étais alors.

Une fois inscrite en fac, tout a été plus facile, et j’ai continué à me cultiver. J’ai préparé l’agrégation, cette fois avec moins d’angoisse et plus de courage et d’humilité, en appréhendant les cours un à un, en faisant mon possible avec beaucoup de jogging. J’ai obtenu le CAPES en candidate libre, et j’ai exercé deux semaines en tant que prof de français, avant de faire un rejet total de l’enseignement. Et là, j’ai cessé de tourner autour du pot. Bah oui. La meilleure manière de devenir écrivain, j’ai décidé que c’était d’écrire et c’est tout. Aller au bout d’un roman, pour commencer. Alors je n’ai plus fait que ça. À plein temps. Pendant 5 ans, j’ai écrit (et lu) entre 9 et 18 heures. J’aurais écrit, dormi, mouru sous un pont si mes parents n’avaient pas accepté de me nourrir et de me loger au nom de la Littérature.

Question : Pourquoi écrivez-vous ?

Réponse : Bon qu’à ça

Samuel Beckett

Pour ce premier roman, j’ai squatté la bibliothèque du Centre Pompidou et la Bibliothèque des sciences et de l’industrie de la Villette afin d’assimiler le plus d’essais possible sur le monde et les gens qui le font, sur notre passé, notre présent, notre futur. La raison en était strictement pratico-pratique : mon personnage était un érudit et je voulais en savoir autant que lui. Revanche autodidacte sur mes études brisées ? Passion d’apprendre ? Quoi qu’il en soit cette ambition encyclopédique ne m’a plus quittée… Jusqu’aux années 2010.

Pour mon deuxième roman, je me suis mise en tête de décrire les aventures d’un personnage masculin issu des banlieues, pour un récit très contemporain. Ni une ni deux, je me suis plongée dans son univers, à savoir :

  • Les séries
  • La télé-réalité
  • Le hip-hop
  • Les block-busters
  • Les films d’horreur
  • Les snack content
  • Tout ça

Honnêtement ?

L’inconvénient majeur, c’est que depuis 2010 je me sens bloquée dans un monde hyper-connecté, hyper-visuel. J’habite aujourd’hui le monde bruyant de la non-lecture de livres. Et ça pique (non ?).

Technologies numériques envahissantes

Je ne m’étendrai pas sur les bienfaits de la lecture ni sur les méfaits des écrans sur nos facultés de concentration, parce que j’en parlerai dans un prochain article. Idem pour les dégâts de l’intelligence artificielle sur la pensée critique et la créativité. Disons que, après ces 10 ans de binging d’images et de sur-sollicitation de mon attention captée, lire un bouquin a cessé d’être un plaisir, ou même (honte, honte !) n’est plus jamais une option dans mon emploi du temps d’autrice-rédactrice web. Alors, bien sûr je lis la presse, les site web et mes emails. J’apprends beaucoup, beaucoup de choses sur Internet. Mais les contenus en ligne ne vaudront jamais le dizième de la pensée construite d’un auteur, on est d’accord.

Je me fais régulièrement traiter de personne cultivée, et je n’ai pas rien fait pour. Mais je suis fatiguée de mes lacunes en sciences, en politique et dans la culture du 21ème siècle. Ma culture aujourd’hui se limite à la littérature moderne (de la Renaissance au 20ème siècle), aux grandes lignes de la philosophie, de l’astrophysique et de l’histoire. Pour être honnête, c’est beaucoup de souvenirs un peu mélangés, à peine de quoi faire du name-dropping passable. Je n’ai pas le sentiment de comprendre le monde, j’y vois de moins en monis clair.

Alors qu’est-ce qu’on veut ? Mais que ça change ! Que les neurones s’activent et gagnent en agilité intellectuelle, et que nos soirées soient mieux habitées.

Femme heureuse de lire

Du coup, zou, embarquement immédiat ! Voici ma liste de 52 titres ! Je précise que j’ai volontairement exclu les livres dont j’ai gardé un souvenir vivace (notamment sur la colo-décolonisation, la mondialisation, les religions, l’écologie, la littérature de la Grèce antique à plus ou moins l’an 2000…), et j’ai inclus des livres conseillés par des ami·e·s (qui se reconnaîtront 😘).

Rendez-vous dans 2 semaines pour une première chronique !

  • Histoire des sciences, de Yves Gingras, Que Sais-Je, 2021
  • Les Grandes Dates de l’histoire de l’art, de Jean Rudel et Françoise Leroy, Que Sais-Je, 2013
  • Sexe, race & colonies, de Pascal Blanchard, La Découverte, 2018
  • Surveiller et punir, de Michel Foucault, Gallimard, 1993
  • Au cœur de l’intelligence artificielle: Des algorithmes à l’IA forte de Axel Cypel, De Boeck Supérieur, 2020
  • Économie du bien commun, de Jean Tirole, PUF, 2018
  • Introduction à la géopolitique, de Tellenne Cédric, La Découverte, 2019
  • La Construction européenne, De Guillaume Courty Guillaume et Guillaume Devin, La Découverte, 2018
  • Épopée de la musique africaine, Florent Mazzoleni, Hors Collection, 2008
  • Société et économie, de Mark Granovetter, Seuil, 2020
  • Les Relations internationales, de Philippe Braillard et Mohammad-Reza Djalili, Que-Sais-Je, 2020
  • Pride, de Matthew Todd, Grund, 2019
  • Histoire du monde de 1900 à nos jours, de Serge Bernstein et Pierre Milza, Hatier, 2018
  • Histoire intellectuelle de la France (XIXe – XXe siècles), de François Chaubet, Que-Sais-Je, 2021
  • Cours d’Introduction historique au droit et d’Histoire des institutions, de Éric Gasparini et Éric Gojosso, Gualino, 2022
  • La Monnaie et ses mécanismes, de Dominique Plihon, La Découverte, 2022
  • Sorcières, Mona Chollet, Zones, 2018
  • La Grande Transformation, de Karl Polanyi, Gallimard, 2009
  • Notre existence a-t-elle un sens ? de Jean Staune, Hachette Pluriel Référence, 2017
  • Histoire de la musique occidentale, de Elisabeth Brisson et Jérôme Thiébaux, Ellipses, 2020
  • Histoire de la philosophie, de Christian Ruby, La Découverte, 2018
  • L’Exécution, de Robert Badinter, LGF, Livre de Poche, 1976
  • Histoire du cinéma français, de Jean-Pierre Jeancolas et Michel Marie, Armand Colin, 2019
  • Grandes fortunes, de Michel Pinçon et Monique Pinçon-Charlot, Payot et Rivages, 2019
  • Introduction générale au droit 14ed, de Nicolas Molfessis et François Terré
  • Lost in Management de François Dupuis, Seuil, 2011
  • Histoire romaine de Marcel Le Glay, Jean-Louis Voisin et Yann Le Bohec, PUF, 1997
  • La Grande histoire du monde de François Reynaert, Livre de Poche, 2018
  • Communautarisme versus libéralisme. Quel modèle d’intégration politique ? de Justine Lacroix, Université de Bruxelles, 2003
  • Freakonomics de Steven D. Levitt et Stephen J. Dubner, Gallimard, 2007
  • La fabuleuse histoire de l’Antiquité, des Grandes Pyramides à la chute de l’Empire romain, de Laurent Avezou, Dunod, 2023
  • Géopolitique de Gérard Chaliand et Jean-Pierre Rageau, Flammarion, 2015
  • La Pensée sauvage de Claude Lévi-Strauss, Pocket, 1962
  • Du Contrat social de Jean-Jacques Rousseau, Flammarion, 1762
  • L’Économie du bien et du mal, de Tomás Sedláček, Eyrolles, 2009
  • Le Choc des civilisations de Samuel P Huntington, Odile Jacob, 1996
  • Les Mots et les Choses de Michel Foucault, Gallimard, 1966
  • Histoire de la pensée chinoise, de Anne Cheng, Seuil, 2014
  • Le Capital au XXIe siècle, de Thomas Piketty, 50minutes.fr, 2016
  • Le Siècle de Louis XIV de Voltaire, Le Livre de Poche, 1751
  • Testo Junkie : Sexe, drogue et biopolitique, de Beatriz Preciado, Grasset, 2008
  • Histoire de la musique occidentale, de Jean et Brigitte Massin, Fayard, 1987
  • Le Prince, de Niccolò Machiavel, Folio, 1532
  • Influence et Manipulation de Robert B Cialdini, First, 2021
  • Une histoire de tout, ou presque de Bill Bryson, Payot, 2016
  • La Sixième Extinction, d’Elizabeth Kolbert, Livre de Poche, 2016
  • L’Univers élégant de Brian Greene, Robert Laffont, 2000
  • Sapiens: Une brève histoire de l’humanité, de Yuval Noah Harari, Albin Michel, 2022
  • Les Origines du totalitarisme de Hannah Arendt, Gallimard, 2002
  • King Kong Théorie, de Virginie Despentes, Livre de Poche, 2006
  • Atlas des futurs du monde, de Virginie Raisson et Jean-Marc Châtaigner, Robert Laffont, 2010
  • L’Univers dans une coquille de noix, de Stephen Hawking, Odile Jacob, 2001

Vous lisez quoi, vous, en ce moment ?

5 réflexions sur “Mon défi : dévorer 2 essais par mois sur 2 ans”

  1. RAHAMEFY Annick

    Je lis « Histoire & Géographie de Madagascar » 1846 de M. MACÉ DESCARTES, membre titulaire de la Société Orientale de Paris.

  2. Coucou. Moi, je lis « Pour un soulèvement écologique – Dépasser notre impuissance collective », de Camille Étienne (notre Greta Thunberg nationale). Une claque pas facile à encaisser mais qui réveille.

  3. Une claque, même pour une « évelilée » comme toi ? Je me le note 😉

  4. Ping : Comment atteindre ses objectifs de lecture pour lire davantage ? - Mon bagage culturel

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